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Johanna Walter

J’ai en poche 4 masters venant de 3 pays différents

 

Raconte-nous ton parcours!
J’ai terminé le collège à 16 ans, et je suis entrée directement à l’université en architecture dans mon pays, le Venezuela. Malgré quelques hésitations, je suis allée au bout du parcours et j’ai obtenu l’équivalent d’un master en 6 ans. Ensuite, je suis partie à l’aventure dans une grande ville au centre du pays pour faire un stage d’un an.

C’est à ce moment-là que j’ai rencontré un homme suisse qui a changé ma vie. J’ai décidé de le suivre dans son pays en m’inscrivant dans une école de langues, ce qui m’a permis d’apprendre l’allemand. Cependant, comme nous voulions vivre dans un pays où nous serions tous les deux étrangers, quand l’occasion s’est présentée pour lui d’enseigner l’anglais en Chine, nous nous sommes lancés. J’ai obtenu un visa d’accompagnante qui ne me permettait pas de travailler.

Alors, pour mettre à profit le temps que j’avais à disposition, j’ai fait des recherches sur les possibilités d’études à distance. Une université espagnole proposait un master d’enseignement de l’espagnol en tant que langue étrangère, ce qui m’a paru adapté pour bien préparer mon retour en Suisse. Une fois installée en Chine, j’ai pu débuter mon master depuis ma nouvelle maison. Comme je trouvais que j’avais encore beaucoup de temps libre, je me suis inscrite à un autre cursus, axé sur l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de l’enseignement et je me suis lancée dans un deuxième master. Les deux années que nous devions passer en Asie se sont écoulées et au moment de rentrer en Suisse, je me suis inscrite à l’Université de Fribourg afin d’obtenir un titre helvétique. À mon retour sur le territoire, je devais donc rédiger un mémoire, continuer un master et en entamer un nouveau. Autant dire que cette période a été assez mouvementée, j’ai dû me réadapter à la culture et à la langue et penser à trois projets en même temps. Mais j’ai réussi, j’ai deux master en poche et je rédige actuellement mon 3e mémoire.

Comment se déroule un master à distance?
Le parcours à distance est particulier. Un thème est traité chaque mois et un examen ou un travail est exigé à la fin de cette période pour tester les compétences. Donc, pas intérêt à lâcher le fil, ce qui n’est pas toujours évident. Sans la routine de devoir se lever pour aller en cours et sans contact avec d’autres personnes, seule la discipline personnelle compte. Les études sont assez abstraites, tout le matériel nécessaire nous avait été envoyé à la maison directement et les contacts se font par mails.

Le premier master, nous l’avons fait en couple, donc nous avons pu nous motiver mutuellement. Nous rédigions les travaux et pouvions partager sur le contenu. Pour le deuxième, j’ai eu plus de difficultés parce que le contact humain me manquait beaucoup. En plus, comme j’étais dans une province pauvre de la Chine, je n’avais aucune bibliothèque à disposition, impossible donc de trouver de la littérature hispanophone! Ma mémoire visuelle ne m’aidait en rien et j’avoue m’y être souvent prise à la dernière minute. Je révisais quelques jours avant les examens et restais souvent éveillée toute une nuit pour finir un travail dans les délais. Et puis, rester à la maison toute la journée ce n’est pas facile, je ne me sentais pas intégrée à la vie du pays et cela m’a beaucoup coûté.

N’as-tu jamais pensé à abandonner?
Non, parce que je suis très têtue. J’ai lu plusieurs études disant que beaucoup de gens ne terminent pas les études à distance, mais pour moi c’est important d’aller au bout de ce que je commence. Mon orgueil ne me pardonnerait pas l’abandon! D’autre part, faire un diplôme à distance, c’est cher! Nous n’avions alors qu’un salaire chinois et ce fut un investissement conséquent. De ce fait, je ne pouvais simplement pas abandonner.

J’ai été d’ailleurs étonnée de voir que la plupart de mes camarades étaient des sud-américains. Comme je connais les revenus moyens là-bas, ces études me paraissaient inaccessibles pour eux. J’ai ensuite découvert que les institutions et les écoles où ils travaillent leur financent le parcours, parce qu’un diplôme européen leur paraît plus prestigieux. Ces masters sont reconnus mondialement, ce qui permet d’exercer dans tous les pays. C’est une opportunité pour les nations en voie de développement de s’ouvrir au reste de la planète. Moi, j’ai dû laisser l’architecture de côté quand je me suis rendue compte du décalage dans le monde professionnel entre le Venezuela et la Suisse. Mais nous avons maintenant le projet de repartir dans un pays qui nous soit inconnu, et qui sait les occasions qui s’y présenteront.